31/01/2012

ALBUM DU MOIS

JANVIER 2012


TRAILER TRASH TRACYS
Ester
(double six / domino 2012)

Inhabituelle, la scène se passe au Bar à Thym, à Toulon, quelques heures après le concert des TRAILER TRASH TRACYS à l’Opéra de Toulon dans le cadre du Midi Festival hivernal. On fraternise à coups de pintes avec les trois garçons du groupe – Jimmy Lee, tête de Joe l’Indien en beaucoup plus cool ; Dayo James, grand Noir à la timidité inversement proportionnelle à l’impressionnante carrure, et Adam Jaffray, blond et beau comme un diable. La craquante chanteuse suédoise Suzanne Aztoria, quant à elle, a préféré les bras de Morphée aux vapeurs de l’after.

Jimmy, homme à tout faire du groupe qu’il a cofondé avec Suzanne, nous assène cet aveu singulier : d’Ester, l’admirable premier album des TRAILER TRASH TRACYS, il est déjà las. “Je pense que notre deuxième album sera bien meilleur. Je veux qu’il sorte très vite, le plus vite possible. On en a déjà un peu marre de jouer ces chansons.” Ce cinglé de théories conspirationnistes (il nous en déballera au moins trois, ahurissantes, en quelques heures) semble hors de propos. Pour notre part, il nous faudra des lustres avant de nous lasser, si cela arrive, des chansons cosmiques d’Ester. Pour la part du reste du monde aussi. Entouré d’une hype à croissance exponentielle depuis la diffusion il y a deux ans sur le net de son tout premier morceau, Candy Girl, le groupe, bel espoir 2012, remplit toutes les salles britanniques, ayant joué quelques jours après Toulon dans une Brixton Academy bondée en (belle) compagnie de Gang Of Four et des Kills.

La position de Lee, le cul entre la chaise du présent et le trône de l’avenir, est pourtant logique : elle est le paradoxe consubstantiel des TRAILER TRASH TRACYS, qui rendent un clair hommage à leurs glorieux aïeux mais cherchent, toujours, à avancer. “On a tous grandi en écoutant peu ou prou les mêmes disques – My Bloody Valentine, les Cocteau Twins, ceux à qui on nous compare tout le temps. J’imagine que la base du groupe, ce son éthéré, vient de là. Quant à la référence constante à David Lynch, elle ne me dérange pas, elle est assez logique. Cette basse assez typique, minimale, profonde, organique, était une décision de base, conceptuelle : ça allait à l’encontre de tous ces groupes aux basses très angulaires, jouées comme des machines. On a joué plus lentement, on s’est dit ‘Tiens, essayons de faire un peu trembler cette basse’. ‘Oh, merde, ça sonne comme du Badalamenti dans Twin Peaks... Tant pis, personne ne s’en rendra compte !’ Et finalement, tout le monde nous en parle...”

Sur ces bases saines (mélodies pop, ambiances cinétiques, atmosphère abyssale, son tordu), le groupe a expérimenté. Pendant des mois, loin du monde, seul, avec des effets, des modulations, des réverbérations, des combinaisons de tout ça, avec un instrument inventé pour eux seuls par un savant fou de San Francisco. Avec, aussi, l’ésotérique solfeggio scale.

“J’ai pris un peu de temps pour moi avant qu’on enregistre. Je me suis retrouvé dans un drôle d’univers, raconte Lee. Il y avait beaucoup de gens un peu à part, aux idées et aux lectures peu conventionnelles, qui m’ont présenté des livres théoriques, spirituels. Un homme m’a parlé de l’existence de fréquences qui pourraient réparer ou modifier l’ADN. La pop-music est généralement jouée sur une échelle de fréquences légèrement différentes de celles-ci, un peu plus basse. Il y a eu des tests scientifiques : en jouant un do sur cette solfeggio scale, des molécules d’eau trouvaient une forme beaucoup plus symétrique, mathématique. Quand tu penses que notre corps est composé à 90 % d’eau...”

Et les corps, effectivement, de répondre positivement mais bizarrement, et différemment, aux magiques You Wish You Were Red, Dies in 55, Engelhardt’s Arizona, Strangling Good Guy ou Candy Girl : dans le coton et dans l’éther, dans le noir et la lumière, le cauchemar rouge sang et le songe de bleus infinis, ils flottent, planent. Et survolent tout le reste.


SOURCE : Les Inrockuptibles
http://trailertrashtracys.com/



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