16/01/2012

ALBUM DU MOIS

NOVEMBRE 2011



KATE BUSH
50 Words Of Snow
(fish people)


A la sortie, en mai dernier, de 'Director's Cut', premier album de la rarissime Anglaise depuis six ans, on pouvait regretter qu'il s'agis­se « seulement » d'une revisite (si inspirée soit-elle) de ses oeuvres passées. On imaginait KATE BUSH repartant aussitôt pour une longue hibernation. Erreur. Tel le train qui peut en cacher un autre, 'Director's Cut' ouvrait la voie au véritable successeur de 'Aerial', ce splendide et hivernal '50 Words For Snow', nouveau jalon dans la carrière exemplaire de l'imprévisible musicienne.

Sur 'Director's Cut', KATE BUSH ne cherchait pas à solder son passé, encore moins à camoufler une compilation banale d'anciens titres en les rhabillant de sons neufs : elle voulait accrocher les wagons, donner aux chansons de 'The Sensual World' et de 'The Red Shoes' la chaleur et l'espace qu'elle estimait leur manquer. Un pari réussi, qui semble l'avoir libérée et encouragée à enregistrer dans la foulée cette suite onirique aux airs de poignant et gracieux mariage, en sept longues plages, des plus belles réussites d'Aerial avec les innovations rythmiques (du batteur d'exception Steve Gadd) de 'Director's Cut'.

Oubliez les envolées vocales acrobatiques et les arrangements subtilement emphatiques d'antan, BUSH chante ici, sans chercher à forcer, d'une voix plus grave, plus chaleureuse, de son âge, en replaçant le piano au coeur de sa musique. On pense parfois, souvent même, à l'évolution musicale de Mark Hollis avec Talk Talk autrefois, à une différence majeure près : à aucun moment BUSH ne paraît s'évaporer, basculer dans le monde du silence. C'est même le tour de force qu'elle réalise, en traduisant en sons la vision ouatée mais enivrante de flocons qui tombent inexorablement, recouvrant de blanc les toits ou les champs. Car il n'est question que de neige ici, au propre comme au figuré, de l'existence éphé­mère d'un flocon à cet amant impossible, semblable au bonhomme de neige, qu'un peu de douceur partagée fait fondre, ne laissant dans le lit vide qu'une trace glacée et humide. La chanson s'appelle 'Misty', la plus belle d'un album exempt de faux pas.

Car même Elton John, idole de jeunesse de KATE BUSH, invité à lui donner la réplique sur 'Snowed In At Wheeler Street', et qui en fait des tonnes, n'arrive pas à casser l'harmonie de l'ensemble. Ail­leurs, deux contraltos se chargent des notes que KATE ne cherche plus à atteindre sur le quasi liturgique 'Lake Tahoe', tandis que le très docte Stephen Fry se charge d'énumérer les cinquante expressions évoquant la neige sur la chanson-titre. Steve Gadd, auteur déjà de l'extraordinaire pulsion sur '50 Ways To Leave Your Lover', de Paul Simon, il y a des lustres, tient la plus feutrée et inventive des cadences tout au long d'un album où BUSH paraît s'adresser à chacun de nous. On frissonne, mais pas de froid. 'December Will Be Magic Again', avait-elle prédit en 1980. Trente ans plus tard, KATE BUSH ne déçoit toujours pas ceux qui savent l'attendre.

Hugo Cassavetti (Telerama)


http://www.katebush.com



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