16/03/2011

ALBUM DU MOIS / Février 2011


PJ HARVEY
'Let England Shake
'
island/universal 2011


PJ Harvey introduit son nouvel album avec une phrase qui résonne encore dans nos oreilles, « The West’s asleep ». L’Occident s’est endormi, il semble d’ailleurs dormir profondément. Constat réaliste, constat pas toujours facile à admettre. La sulfureuse Anglaise prend donc un nouveau virage dans sa musique avec ce dernier album intitulé 'Let England Shake'. Elle délaisse ici ses émotions propres pour se tourner vers l’extérieur, vers le monde. La guerre, les combats, la mort reviennent de manière récurrente au travers de ses chansons. Les décors, qu’elle dépeint avec beaucoup de poésie, sont sombres, cruels et se mêlent à une nature discrète. Son pays natal, l’Angleterre, est l’un des protagonistes de cet album. Des titres comme 'England', 'This Glorious Land' ou encore 'Let England Shake' nous révèlent un regard amer sur les méandres de l’histoire et de la culture de ce pays. Sa volonté n’a cependant jamais été de nous présenter une série de « protest songs », elle refuse d’adopter un quelconque ton moralisateur. Elle se positionne seulement en tant qu’observatrice d’un monde féroce, grave, parfois inhumain dans lequel nous vivons tous sans pouvoir en échapper.

Pour conter ces situations devenues banales, elle a rangé la rudesse de ses guitares rock au placard. La rage est toujours là mais elle est désormais suggérée au travers d’une instrumentation apaisée comme elle pouvait d’ores et déjà l’être sur l’épuré 'White Chalk'. Quant à sa voix, adoucie, elle s’élève au rang d’instrument à part entière. Elle joue avec, la balade à son gré dans des vallées brumeuses sans tomber dans un quelconque pathos. Inspirée, PJ Harvey l’a été à la fois dans la création de ses textes, initialement des poèmes, et de sa musique. La grâce du piano sur 'Hanging In The Wire', la trompette de cavalerie qui introduit 'The Glorious Land', la réverb teintée d’influences reggae de 'Written On The Forehead' témoignent de l’audace artistique dont cette femme étonnante fait toujours preuve. Comme à son habitude, aucune place n’est faite à l’ennui, des premières notes jusqu’à la toute fin. La tension et l’énergie sont permanentes. 'The Last Ling Rose', 'The Words That Maketh Murder' ou encore 'Bitter Branches' nous présentent des paysages sonores aussi passionnants que déroutants.

Et oui, on peut se le demander, est-il possible qu’un jour PJ Harvey déçoive ? Les années passent, les albums se succèdent et on commence à se dire qu’elle est bien partie pour parcourir une carrière irréprochable. Pour beaucoup de fans de la première heure, son âge d’or se situe dans les années 90 avec entre autres des albums rock explosifs et directs comme 'Dry', 'Rid Of Me', 'To Bring You My Love'. Mais même si PJ Harvey a dès le début trouvé une recette rock dont beaucoup se sont régalés, elle n’a pas opté pour la facilité et continue d’emprunter de nouvelles directions avec toujours cette même curiosité jamais blasée, jamais désabusée. Mais pour ne pas prendre le risque de se perdre, elle s’entoure encore aujourd’hui de ces hommes et amis,qui l’ont déjà accompagnée dans le passé. Sur ce nouveau LP, John Parish, Mick Harvey et Flood ne sont en effet, une nouvelle fois, pas loin derrière. Cette œuvre bouillante, étincelante nous permet donc de nous dire que, même si le monde devient fou et que tout prête à la triste résignation, la poésie garde un pouvoir capable de réveiller cette fougue que l’on croyait évaporée à jamais.


Maria (pour Hartzine)

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